NOMADES DANS LE TEMPS (2000)

À propos de Yamm.

Dans la diversité de mes derniers projets, où la voix et la représentation scénique apparaissent presque systématiquement, Yamm, mon premier ballet, s’inscrit d’une façon singulière. D’une part, la danse évoque une dynamique qu’il faut apprendre à maîtriser dans l’écriture musicale afin d’éviter un discours narratif qui entraîne obligatoirement une relation conventionnelle entre le geste et la musique. D’autre part, il y a toujours une répétition caractéristique du mouvement dans la danse que je me suis efforcé de brouiller. Cependant, il n’y a pas forcément d’énoncé subjectif de ce qui est vu mais le danseur, placé involontairement dans l’œuvre qu’il entend, donne forme à cette intériorité dont il devient le messager. Sa gestique est alors portée par la stylisation de la musique qui enchaîne des structures organisées selon des couleurs orchestrales et  rythmiques, renouvelées suivant une dramaturgie du mouvement. C’est donc à partir de l’abstraction que je propose une lecture spécifique du geste, une sorte de direction nomade du temps et de ce qu’il convoque.
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En hébreu, « yam » signifie mer. Mais Yamm, est aussi une déité des anciens rites sémites de l’ouest qui commande les océans, les rivières et les lacs. Certains pensent que Yamm et Lotan (Leviathan en hébreu) n’étaient qu’un seul et même dieu que l’on représentait par un monstre marin ou un dragon à plusieurs têtes. On en trouve plusieurs descriptions dans l’Ancien Testament. Par exemple dans l’épisode où Dieu tue l’animal pour le donner à manger aux hébreux dans le désert (Psaumes, 74-14). Ou encore dans Isaïe (27-1) où il est le symbole des ennemis d’Israël, et dans Job (41) où il est symbole du pouvoir de Dieu sur la création. Cependant, il joue également un rôle important dans les mythes de Baal tel qu’on le rappelle sur les tables découvertes à Ugarit où l’on peut lire que, au début du temps, le dieu El, maître du Panthéon, donna à Yamm la royauté divine. Baal, qui contesta cette décision, engagea alors de terribles combats. C’est peut-être à partir de cette dernière interprétation, très libre, que l’on peut trouver une relation indirecte avec le ballet. Les messagers de Yamm prévoient une situation périlleuse et une menace dont ils ne connaissent pas l’ampleur. Il s’agirait alors de la préparation au combat de jeunes filles et de jeunes gens enfermés dans un lieu clos, travaillant des forces nouvelles afin d’affronter un ennemi potentiel qui n’arrivera peut-être jamais.

in Programme pour Spectacle de ballets, Opéra National de Paris, 2000.