PRÉFACE AUX ÉCRITS DE JOLIVET (2006)
Un volume qui rassemble les écrits d’un compositeur offre une facette souvent moins connue de l’artiste. C’est pourtant à travers ses réflexions sur les œuvres dont il a choisi de parler que l’on découvre les traces du chemin qui l’ont mené vers l’écriture musicale. Si la science et l’analyse que la musique suscite ont leur mérites, les influences qui agissent sur un auteur sont les clés qui permettent d’avoir un accès privilégié à son travail. Exprimer une opinion, faire partager ses convictions est toujours plus difficile quand on est soi-même confronté aux feux de la rampe. C’est l’une des raisons pour lesquelles peu de compositeurs se risquent à l’épreuve de l’écrit car il faut y dépasser les questions techniques pour créer une « sympathie » entre son propre regard et celui d’autrui.
Chez André Jolivet, l’art de la réflexion lui a permis de montrer comment des œuvres parfois abstraites ou des personnalités peu en vue ont pu trouver leur place dans l’histoire de la musique. Très tôt, il a éprouvé la nécessité de décrire les univers qui l’accompagnaient, de tenter de percer les doutes fascinants de la composition. En homme érudit, il s’est acharné à trouver les références pour transcrire les histoires de nos méthodes de travail, nous faire parcourir des catalogues de signes afin de mieux comprendre des langages peu familiers. Sans rien exclure, il suggère une approche positive des œuvres pour rendre hommage au travail d’autrui. Il prend ainsi conscience de la force que procure l’écriture et développe les ramifications qui démontrent que chaque pensée construit une réalité expressive de l’écriture.
Tout ce que le compositeur a mis en œuvre dans ces écrits — sa « jungle », disait-il — n’a eu de but que l’infirmation de ses impressions sur le monde sauvage et souvent abrupt qui nous entoure. Dans son important essai sur Beethoven, il montre comment l’acte de créer se trouve mêlé au lacis des drames quotidiens qui peuvent renverser à tout moment la vision hallucinée du monde par le compositeur allemand. Mais son travail se transforme en une unité reliée à la réalité et l’artiste devient un homme en accord avec son temps : un homme moderne, authentique. Dans l’histoire de la musique de la seconde moitié du XXe siècle, peu d’artistes se sont voués avec autant de ténacité à expliquer cette relation essentielle pour la compréhension des œuvres.
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in André Jolivet, Écrits, Éditions Delatour, 2007