L’ICONOSTASE (2001)
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Chez Moussorgski, tout a un écho profond. Dans le salon de ses parents — où l’on jouait Chopin, Mozart, Rossini ou Beethoven —, ou dans les contes qui l’empêchaient souvent de dormir la nuit, il trouve les lieux qui lui permettent de construire un monde de personnages fantasques qui s’apparentent à ceux, bien réels, qui l’entourent. D’autres enfants russes — Pouchkine, Tolstoï, Borodine… — auront, eux aussi, l’occasion de puiser dans ces récits une richesse qui sera une des sources d’inspiration de leur œuvre. Dans la solitude protégée de l’enfance, le petit Modeste Petrovitch trouve l’élément libérateur qui cristallise son imaginaire indiscutable. Par la voix simple, rudimentaire, et la sagesse poétique de la nourrice, lien de l’enfant avec le monde extérieur, il comprend vite l’intimité qui le lie au génie du peuple. Balbutiée, marmonnée, à peine distincte, la parole de l’enfant, qui imite celle de la « niania », raconte ses rêves inouïs de grands paysages gelés, de cabanes sur des pattes de poules ou de tintamarres inédits qui sonneront dans les déferlements de cloches du couronnement d’un futur Boris. C’est par cette assistance intime, à travers les silences effrayés qui suivent les apparitions de Baba-Yaga, la vilaine sorcière, et par les mouvements intérieurs qui l’animent, que l’enfant reçoit un véritable enseignement et, sans contrariété, met en devenir la substance de la création qu’il exprimera par la musique. L’être, l’artiste et son œuvre forment un tout. Le travail intérieur de l’œuvre ne peut être séparé des profondeurs de celui qui l’imagine. Mais le chemin qui mène à la vérité personnelle et à l’indépendance est pénible et escarpé. Il entraîne parfois des échecs, des dépressions, voire un désintérêt de l’écriture et l’artiste s’interroge sur la nécessité de son travail, la dépense de temps et le rapport raisonnable de la connaissance qu’il a acquise jusqu’à ce moment là. Car, dans l’incohérence de la liturgie de l’écriture, il doit trouver l’absence de contradictions entre le savoir et les influences diverses d’un milieu duquel il est souvent incompris. Son but n’est pas simplement de découvrir mais de créer autour de lui une atmosphère de concorde dont toute contradiction doit être intégrée — car la vérité n’est pas une —, prendre des risques et, comme sur un véritable chemin de croix, s’engager pleinement pour s’affronter alors à l’itinéraire de sa vérité.
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in Programme pour Khovantchina, Paris, Opéra National de Paris, 2002